S’il y a un bien un produit qui défraie la chronique ces derniers jours, c’est le papier toilette ! Avec une consommation française moyenne de 103 rouleaux par an pour les Français, et de 120 en moyenne par personne en Belgique, le papier toilette est le produit que les familles se sont littéralement arraché à l’annonce du confinement suite à l’épidémie du Coronavirus. Rose, blanc, bleu, à motifs, ou parfumé, à tube soluble ou à feuille unique, retour sur cette invention devenue un produit essentiel dans le pack du parfait survivant.
De la naissance du papier toilette au brevet
La première allusion à l’hygiène intime que l’on retrouve dans les écrits, remonte au Ve siècle avant JC et était relative à l’utilisation de cailloux raboteux, ou polis. Cependant, et fort heureusement, les solutions de confort et d’hygiène ont évolué au fil du temps, en passant par le tissu, la laine parfumée, le lin, le chanvre, le papier journal, pour finalement arriver au papier toilette tel que nous le connaissons aujourd’hui.
La Chine produit du papier toilette dès le Xe siècle, mais son usage est exclusivement réservé à l’empereur. L’histoire industrielle du papier toilette quant à elle, débute aux Etats-Unis en 1857 avec Joseph Gayetty, le fondateur du Gayetty’s Medicated paper. Sur ses affiches publicitaires, Gayetty rappelle que les journaux avec lesquels s’essuyait encore la majorité du monde au XIXème siècle, étaient imprimés avec des encres que personne n’oserait mettre à la bouche, alors que cette même encre était appliquée sur les « parties les plus tendres du corps » après un passage aux toilettes. Gayetty a mis en avant l’importance d’une hygiène irréprochable afin d’éviter toute maladie.
L’invention du papier toilette en rouleaux est cependant attribuée à Seth Wheeler, avec plusieurs brevets américains délivrés entre 1891 et 1893.
Les améliorations apportées au papier toilette au fil des années
L’industrie du papier hygiénique et ménager représente un chiffre d’affaire de plus de 8,5 Milliard d’euro en Europe. Il va sans dire que l’industrie a continué d’améliorer son offre afin de s’octroyer des parts de marché de ce produit devenu un produit de base dans les foyers du monde entier.
Seth Wheeler, inventeur du papier toilette en rouleaux, a amélioré son invention en déposant une demande de brevet américain pour du papier toilette détachable feuille par feuille, qui a été breveté en 1891. Mais des dépôts de brevets sur le papier toilette ont été enregistré jusqu’en 2010, avec la société Tissue France par exemple, ayant obtenu un brevet européen sur un « distributeur de papier toilette ». C’est un distributeur rond, appelé « SmartOne », que vous avez peut-être déjà vu dans les stations-services notamment.
Comme quoi les innovations ne s’arrêtent jamais, même sur des produits aussi simples que le papier toilette.
Saisie-contrefaçon de papier toilette
Lorsqu’il y a une suspicion de contrefaçon sur un produit breveté, la société détentrice du brevet peut demander une saisie-contrefaçon des produits contrefacteurs, et entamer une action en contrefaçon avec l’aide d’un cabinet d’avocat et d’un Conseil en propriété industrielle. C’est le cas de Tissue France, qui après l’obtention d’un brevet européen (EP 1799083) pour son « distributeur de papier toilette dans lequel est logé le rouleau de papier toilette et le distributeur », le « SmartOne », découvre deux concurrents contrefacteurs.
Deux sociétés françaises commercialisaient des distributeurs de papier toilette s’appuyant sur les caractéristiques de l’invention brevetée de Tissue France qui fait alors procéder à une saisie-contrefaçon et assigne ses deux concurrents pour contrefaçon en 2011. Tissue France estimait que l’offre de livraison des rouleaux de papier toilette était un acte de contrefaçon par fourniture de moyens.
Après maintes batailles, la Cour de cassation, dans son arrêt du 8 juin 2017, juge que l’un des éléments constitutifs d’une invention de combinaison peut tout à fait en être un élément essentiel. La livraison de cet élément peut donc être qualifié de fourniture de moyens et donc de contrefaçon. Elle jugera également qu’un bien, même consommable, peut être un élément essentiel de l’invention, au sens de l’article précité.
Le papier toilette n’a donc certainement pas fini de faire couler de l’encre, surtout que le débat historique de savoir si le rouleau se déroule par le haut ou pas le bas n’a toujours pas été élucidé. Seth Wheeler ayant proposé des schémas avec les deux versions lors de ses dépôts de demande de brevet.
Le mystère reste donc entier…
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