Le 24 février 2022, la Russie a déclenché une attaque contre l’Ukraine. À ce jour, le conflit dure toujours sans trouver d’issue. Il s’illustre aussi dans le domaine de la propriété industrielle.
Depuis les premiers jours de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, de nombreux pays et sociétés ont annoncé des sanctions envers l’État russe sur le plan économique et juridique. Le 6 mars 2022, le gouvernement de la Fédération de Russie a adopté un décret visant à autoriser l’usage des innovations protégées par des brevets issus de pays non alliés. Cette exploitation se ferait alors sans l’obligation de verser des compensations aux propriétaires desdits brevets.
Le brevet, un titre de propriété industrielle national
Le brevet d’invention est un titre de propriété industrielle qui a pour but de protéger des solutions techniques. Le ou les titulaire(s) du brevet obtiennent ainsi le droit d’exploiter les procédés décrits, et surtout, disposent d’un monopole pour une durée de 20 ans. Ce dernier permet d’exploiter soi-même l’invention et/ou de concéder des licences à des tiers. Dans tous les cas, les licences font l’objet de négociations de contrats.
Fait important : le brevet est un titre de propriété valable sur un territoire national. Un brevet délivré en France par l’INPI est valable pour la France. Si les démarches de PCT pour un brevet à l’étranger ou de brevets européens facilitent la protection d’une invention sur plusieurs territoires, ce sont les États qui régissent les règles de propriété industrielle. À ce titre, l’Organisation Mondiale de la Propriété industrielle (OMPI) est une institution des Nations Unies (ONU) pour la régulation des règles de PI à travers le monde.
Que dit le décret russe du 6 mars 2022 ?
Le Code civil russe permet, en cas d’extrême nécessité, au gouvernement d’autoriser l’utilisation de certificats d’utilité, des brevets et des dessins et modèles sans l’accord des titulaires. Pour ce faire, une indemnisation dite « proportionnelle » doit être versée. Il s’agit d’une mesure exceptionnelle prévue pour accélérer les initiatives innovantes dans des cas de force majeure.
Le décret du 6 mars 2022 prévoit un montant de 0 % lorsque les propriétaires des titres de propriété industrielle sont issus de pays qui commettent des actions hostiles envers la Russie et les ressortissants russes. En ce sens, les pays ayant émis des sanctions contre la fédération russe à la suite des attaques sur l’Ukraine ne disposent plus de brevets valables en Russie. Plus précisément, le brevet est valable, mais ne donne dorénavant le droit à aucune compensation comme ce serait le cas dans un contrat de licence d’exploitation classique. Ici, l’État russe impose une licence gratuite à tous les propriétaires de titres de PI issus des 48 pays non alliés listés.
La non-compensation de l’usage des innovations s’applique aux titulaires :
- présentant une nationalité figurant sur la liste des 48 pays,
- des brevets ayant pour lieu d’enregistrement principal un des 48 pays.
Cette disposition s’étend également aux inventions dont les revenus sont principalement générés sur un territoire qui figure sur la liste des pays considérés comme étant hostiles par le gouvernement russe.
La bataille juridique étendue au droit des marques
Sur un autre plan, les personnages de « Peppa Pig » et « Papa Pig » connus auprès des enfants faisaient l’objet d’une action en contrefaçon demandée par la société Hasbro à l’encontre de l’entrepreneur Ivan Kozhevnikov qui aurait dessiné ses propres versions des personnages sur le territoire russe.
À Kirov en Russie, le juge Andrei Slavinsky s’est prononcé en faveur de Kozhevnikov en l’autorisant à utiliser les Peppa Pig et Papa Pig. Les images contrefaites des deux personnages pourront être utilisées sans risque de sanction au titre de l’infraction de la propriété intellectuelle. Le juge Slavinsky a déclaré que cette décision est une réponse aux sanctions des pays occidentaux sur la Russie.