Touroude & Associates était revenu sur la bataille juridique Américaine, entre les Universités de Vienne et Berkeley d’un côté et le Broad Institute et Harvard de l’autre dans un article du 12 mars 2017. Aujourd’hui, 7 ans après, de nouveaux rebondissements apparaissent autour des brevets CRISPR.
Depuis la première décision de l’USPTO en faveur de l’absence d’interférence entre les titres détenus par le Broad Institute et ceux détenus par l’Université de Californie, la Cour d’Appel des États-Unis pour le circuit fédéral a rendu une décision le 10 septembre 2018 confirmant cette première décision et l’argumentation que l’utilisation de cette technologie dans des cellules eucaryotes n’était pas suffisamment divulguée dans la demande de l’Université de Californie pour être considérée comme anticipant ou suggérant l’invention couverte par le brevet du Broad Institute. La Cour d’Appel a également ajouté que le Professeur J. Doudna, inventeur du brevet de l’Université de Californie avait à plusieurs reprises admis ses doutes quant à la transposition de cette technologie aux organismes eucaryotes. L’Université de Californie n’a donc pu obtenir aux États-Unis l’invalidation des brevets du Broad Institute.
De l’autre côté de l’Atlantique, l’Université de Californie s’est vue délivrée un brevet européen (EP2800811 – Registre) revendiquant notamment un procédé de modification d’un ADN cible dans tout type cellulaire le 10 mai 2017. En regard de son importance, ce brevet a évidemment subi des attaques de nombreux opposants, et est toujours en procédure d’opposition à l’heure actuelle. Une procédure orale publique aura lieu durant 3 jours du 05 au 07 février 2020.
Le Broad Institute a pour sa part déjà obtenu la délivrance de plusieurs brevets européens, en majorité portant comme aux États-Unis sur des applications de CRISPR CAS9 dans les cellules eucaryotes. De la même manière que pour l’Université de Californie, ces brevets ont pour la plupart fait l’objet d’oppositions de la concurrence. Parmi ceux-ci, le brevet majeur EP2771468 (Registre) a été révoqué en janvier 2018 en opposition pour des raisons qui s’éloignent des problématiques scientifiques derrière ces technologies innovantes, et qui rappellent l’importance de l’aspect juridique dans la protection par brevets, et en l’occurrence du droit de priorité. C’est en effet un défaut au niveau de la désignation des inventeurs et de la cession de leurs droits aux déposants entre la demande prioritaire et le dépôt de ce brevet qui a rendu invalide la revendication de priorité, et a ainsi vu plusieurs documents devenir opposables et compromettre la nouveauté de ce brevet. Le Broad Institute a depuis formé recours de cette décision en s’attaquant à l’approche propre à l’OEB de la priorité, qui diffère de celle de l’USPTO. Ce recours est toujours en instance aujourd’hui et est de grande importance pour le Broad Institute, plusieurs demandes en cours de procédure ayant la même priorité. Une procédure orale aura lieu le 13 janvier 2020.
Ces deux brevets ne sont que la partie visible de l’iceberg des demandes de brevet sur cette technologie, où quasi systématiquement de très nombreuses parties s’opposent à la délivrance, et dont le nombre de documents cités dans ces oppositions dépassent souvent les 300. La suite de ces différentes procédures et notamment les procédures orales nous permettront d’y voir plus clair en Europe. Aux États-Unis, l’Université de Californie semble avoir pris une longueur d’avance au moins en termes de brevets délivrés, avec pas moins de 18 brevets délivrés, faisant de son portefeuille le premier sur ce territoire en termes de nombre sur cette technologie.
Ainsi, il reste encore trop tôt, 7 ans après le dépôt de la première demande de brevet sur cette technologie aux États-Unis, pour avoir un panorama des brevets majeurs pour cette technologie. Il n’est d’ailleurs pas à exclure que d’autres affaires en lien avec ces brevets aient lieu en Europe ou dans d’autres juridictions.